PETITE JOURNEE

PETITE JOURNEE

Aujourd’hui, je n’ai rien de spécial à faire. Je voulais partir un peu, mais partir pour une journée, même avec tous les moyens de transports rapides dont je dispose, ça ne vaut pas le coup, et on est encore plus démoralisé qu’avant lorsqu’on revient. Je suis donc allé au cinéma ( l’Elysée comporte des salles de cinéma privées, c’est assez pratique. C’est par contre un peu sinistre, moi qui aime bien les ambiances de foule, je me retrouve un peu trop au calme ). J’ai voulu faire une blague à Gaymard et l’inviter à regarder Treize à la Douzaine, mais il n’a pas voulu. Il a même été très sec dans son refus : ” Merci, Monsieur le Président, mais j’ai énormément de travail, voyez-vous, je n’ai pas le temps de vous accompagner au cinéma. Vous n’avez qu’à demander à Monsieur Raffarin, lui aussi est inoccupé en ce moment.”
Vlan.

Textuellement.

Je l’ai très mal pris.

Le cinéma ne me faisait plus tellement envie. La lecture non plus, le bouquin de Breton a l’air décidément trop nul. J’ai bien pensé à avancer sur certains travaux, mais les manuels scolaires me dégoûtent désormais, le dossier sur l’emploi est désagréablement épais, celui sur la santé, Douste-Blazy me l’a repris pour corriger des articles à l’intérieur, et le dernier papier à être entré dans le dossier sur les Seychelles, le seul qui me reste en politique étrangère, date de décembre. Il ne me reste plus qu’à travailler mon discours pour le dîner de demain, avec les membres de la Comission d’Evaluation du Comité International Olympique. Je ferai ça tout à l’heure.

Il va falloir que je fasse semblant de saliver à l’idée de recevoir des épreuves de canoë-kayak sur la Seine. Je plains d’avance les malheureux dont le canoë va se retourner et qui vont patauger dans les eaux parisiennes. Le fleuve n’est plus aussi limpide qu’il ne l’a été.
J’espère que Delanoë n’a pas prévu un truc aussi ridicule que Tibéri avec les géants en plastique qui ont défilé dans la capitale pour la Coupe du Monde de football en 98. Le géant Moussa, le géant Roméo, et tout ça, des grandes statues à roulettes qui avançaient à des allures de limaces et qui nous ont fusillé la circulation pendant toute la journée. Et même à la télé, c’était pénible.
Du reste, que sont-elles devenues, ces figurines king-size ?

J’ai fait un cauchemar, cette nuit. J’ai rêvé que George W. Bush envahissait le Luxembourg, prétextant que l’économie luxembourgeoise n’était pas bien propre. Et une fois le Luxembourg anéanti, il s’attaquait à la France, en disant ” You, the French, we will, we will rock you “. Je ne sais pas trop si ça veut effectivement dire quelque chose, mais dans mon rêve, c’était traduisible par : ” Vous, les français, nous allons vous écrabouiller “. Il était accompagné de John Wayne, de Condoleeza Rice et de Billy Crawford sur des chevaux en acier qui crachaient de l’acide. Puis il plantait des drapeaux américains partout sur une carte géante, sauf sur la Creuse et la Meurthe-et-Moselle ( ” it sucks ” disait Mme Rice ), tout en dansant le french-cancan et en disant : ” Oh, la Moulin Wouge “.
Patrick Poivre d’Arvor disait au journal télé que c’était à cause de l’appartement d’Hervé Gaymard et que les Etats-Unis venaient donc apporter la démocratie à notre régime corrompu.
Je me suis réveillé ensuite. Je n’ai pas perdu mon temps à chercher de significations tordues à ce rêve grotesque, la vérité, c’est que Bush m’a toujours un peu inquiété. Quand on parle avec lui, ça lui arrive de se bloquer d’un coup, les yeux dans le vague. Il faut claquer des doigts pour qu’il redescende sur Terre.
J’y ai aussi vu la trace de mon obsession récente pour Hervé Gaymard. Il faut que je me calme au sujet de cette affaire. Elle m’a beaucoup marqué, la facilité avec laquelle il s’est laissé croquer n’en finit pas de m’impressionner.

Je vais regarder la fiction sur Francis Heaulme, ce soir. Je suis curieux de voir comment cet acteur, Frémont, je crois, va pouvoir imiter sa tête et que ce soit crédible. Si il est dur de jouer un personnage mort récemment ( comme Mitterand, par exemple ), j’imagine qu’il doit être extrèmement compliqué de jouer un contemporain.
Je me demande qui pourrait jouer mon rôle si je devais être le sujet d’une fiction ( ce qui n’aurait rien d’extravagant, je suis après tout déjà dans les manuels d’histoire de CM2 )… Clavier serait bien en Sarkozy, Christophe Malavoy pourrait incarner François Fillon ( encore qu’il faille vraiment le vouloir, pour faire un film sur la vie de Fillon ) ou Gérard Jugnot jouer Robert Hue, mais pour moi, je ne sais pas…

Jeune, Di Caprio, peut-être.

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