Category: Ma Vie de Président

RETOUR DE BRUXELLESRETOUR DE BRUXELLES

RETOUR DE BRUXELLES

Me voici rentré de Bruxelles, après un voyage éreintant à plus d’un titre. J’y ai à peine dormi, j’ai été ballonné pendant tous mes discours, je n’ai entendu parler que de Bolkenstein… Bolkenstein par-ci, Bolkenstein par-là, Bolkenstein le midi, Brokenstein le soir… Je ne supporte plus son nom, à ce monsieur Brenkostein…

Je me suis en plus retrouvé avec un conseiller municipal belge à moitié fou sur les talons, un Van Machin quelconque, qui m’a tenu la jambe pendant des heures en me reprochant, 20 fois par minute, de n’être pas venu à Davos quelques semaines auparavant. Puis comme je ne l’écoutais pas, il s’est oublié, et est devenu comme fou, me faisant alors un inventaire invraisemblable de supposés scandales. Une litanie de jérémiades minables ( entrecoupées d’injures à faire frémir un chrétien réfléchi ) du calibre de : ” Monsieur le Président de la République Française, vous rappellez-vous que le 13 juin 1987, alors que vous deviez appeller le Sécrétaire Général du Parti Socialiste Grec, vous avez manqué à ce devoir ? “. Il avait compilé dans d’épais dossiers une montagne de faits insignifiants, probablement inventés, et a cherché à tous me les ressortir un par un, en criant, s’agitant, s’étouffant d’indignation derrière mes gardes du corps, alors que je discutais de choses sérieuses avec de hauts dignitaires.

Quand je parlais avec un Ministre du Commerce de la possible tenue d’une réunion extraordinaire pour discuter de l’harmonisation du droit du travail et de la donc fameuse directive Brakelstein, il griffait mon garde du corps en hurlant, le visage cramoisi et les yeux exorbités : ” Monsieur Chirac doit me répondre sur l’Affaire des Skis Nautiques, rapportés en 1974 au magasin de location avec un retard de 25 minutes ! L’argent du Peuple ! Rendez l’argent du Peuple ! ”

Quand je m’entretenais avec une journaliste lituanienne sur les conditions d’exercice des métiers de la presse dans d’anciens pays soviétiques, lui, il tirait les cheveux de mon malheureux garde du corps, en pleurant, hoquetant, ivre de colère, cherchant à tout prix à me remettre une enveloppe contenant des “confessions accablantes” écrites de ma main en 85 et ” attestant de manière irréfutable ” que j’avais fait un clin d’oeil à une femme autre que la mienne, et réclamait le ” nettoyage de l’Honneur du Peuple “.

Et la bave aux lèvres, il massacrait les gens autour de lui, arguant que rien ne devait le détourner de sa mission messianique et son devoir de Justice. Pour un peu, il nous aurait parlé d’une apparition de la Vierge dans sa salle de bains.

Les journalistes aussi m’ont compliqué l’existence. Ils ont bien vu que j’étais fatigué et ils en ont profité pour me tendre quelques pièges bien vicieux, posant des rafales de questions tordues sur la directive Frankenstein - et ce dans plus de 12 langues - prenant mes réponses à contre-pied pour finalement faire de ce sommet un embrouillamini compliqué de contradictions, dont bien peu de gens ont du sortir éclairés… Je n’arrive moi-même plus très bien à savoir si cette directive Liechtenstein est bien liée à la Constitution, et si nous allons la réviser, si oui pourquoi, si non, pourquoi également ?

Bref, un sommet bruxellois désorganisé et épuisant. Je ne suis pas prêt de retourner là-bas.

Habituellement, pourtant, j’aime énormément la Belgique, et la perspective de m’y rendre provoque en général chez moi une excitation toute enfantine, et ce parfois une semaine à l’avance. Un pays chaleureux peuplé de gens sympathiques, et surtout, possédant les meilleures bières du monde.

Tenez, rien ne vaut une bonne bière belge - avec un steak - durant les chaudes journées d’été, assis que l’on est devant son bureau, l’âme en paix, le dossier de travail ouvert, et débordant d’énergie. Celui qui doit s’astreindre à une besogne pénible à tout intérêt à faire le plein de viande rouge et de houblon. Je ne connais pas meilleure remède pour soigner les crises de paresse et de démotivation. Une bière, un pavé de rumsteack, et le monde ne vous résiste plus. Toute conquête, toute aventure vous parait dérisoire de facilité, et vous vous sentez prêt à accomplir les plus grandes choses.

Du reste, voyez où j’en suis arrivé aujourd’hui.

AU JAPONAU JAPON

AU JAPON

Cet après-midi est le premier tranquille de mon voyage au Japon. Un séjour absolument mémorable en tout point, de la descente d’avion jusqu’à maintenant. Jamais, dans aucun pays, je n’ai été mieux accueilli. Les jeunes lycéennes me regardent avec la même adoration qu’un de ces chanteurs maigres à cheveux violets, vêtus de costumes à motifs zèbrés ou de pantalons en cuir. C’est très impressionnant, et, je ne le cache pas, très agréable. Ce culte véritable voué aux Français à travers ma personne me remplit d’émotion, surtout venant de la part d’un peuple si sage, si vénérable et surtout, d’habitude si peu enclin aux extraversions inutiles.

Mais ces jeunes femmes jalousent Bernadette. Elle représente pour elles la favorite à éliminer, l’Elue qui barre de sa présence leurs rêves d’adolescentes. C’est une groupie choisie entre elles toutes. L’idole doit, pour en être véritablement une, rester accessible dans l’imaginaire de ses adoratrices. Or, je ne le suis plus. Ca les frustre.
Sur ce coup-là, j’ai mal négocié mon affaire, j’aurais peut-être dû cacher Bernadette aussi.

A mon arrivée, j’ai décidé d’initier Breton au sumo. Pour ceux qui l’ignorent encore, le sumo est ce noble sport où deux guerriers géants mesurent leur force respective en tentant mutuellement de s’exclure d’une aire de combat, le dohyo, le plus souvent en se poussant l’un l’autre. Pour y parvenir, les deux sumotoris, entraînés depuis le plus jeune âge, font autant appel à leurs ressources mentales qu’à leurs capacités physiques : le sumo est un sport qui se gagne aussi avec le cerveau, et stratégie et tactique sont bien plus importantes que muscles et graisse. Ah, oui, comme vous le savez naturellement, les sumotoris sont en général très gros. Du moins dans les hautes compétitions, où ne parviennent guère à s’imposer les maigrichons et les rachitiques. Ces anémiques se tournent alors vers le karaté ou le kung-fu, des sports martiaux plus adaptés à leur faiblesse et leur fragilité.
Les sumotoris sont généralement vêtus d’une sorte de grand slip, le mawachi, et portent le chignon. La coiffure, d’ailleurs, fait partie intégrante de l’initiation et de l’entrainement. Au fur et à mesure des combats, ils montent en grade, et les plus grands sumotoris, qu’on estime invicibles, sont déclarés à vie ” Yokozuna “. Cela signifie, pour le champion, que l’on considère que personne ne poussera jamais mieux un type en dehors d’un cercle que lui.

Eh bien croyez-le ou non, mais Breton, mes histoires de dohyos et de mawachis, ça ne l’a pas du tout intéressé. Sa femme non plus. D’Aubert, pas plus. Ces trois-là se sont pris d’un intérêt subit pour une grille de mots croisés pendant le tournoi, je les ai bien vu, ils cherchaient à la planquer dès que je tournais là tête, mais on ne me berne pas comme ça, et d’ailleurs, si vous voulez le savoir, le fameux vertical de dix lettres sur lequel vous avez tous séché comme des enfants, c’était ” strippoker “.
Bernadette, même elle, s’est endormie, et pourtant, je lui explique ces bases élémentaires plusieurs fois par semaine, ça devrait la fasciner, à force, eh bien non, elle s’en fiche éperdument.
Tout ceux qui m’accompagnaient se sont montrés d’une insolence incroyable, et ont affiché un dédain visible pour le combat que nous étions allé voir. J’étais très déçu. La prochaine fois, on ira au stade voir un match de foot.
A ce propos, je tiens à féliciter le jeune crétin que j’ai eu au téléphone à la Fédération Française de Football la semaine dernière. Quand j’appelle discrètement pour suggérer ” l’idée d’une confrontation amicale sur le sol d’un merveilleux pays asiatique - l’empire d’hommes sages et réservés et un exemple pour le respect des droits de l’homme - un match auquel je me rendrai avec plaisir ” ce n’est pas pour qu’on m’expédie l’équipe en Chine. Il va y avoir du ménage à faire, à la FFF, j’en parlerai à Lamour dès demain.

Pour me venger du désintérêt ostensible de tout le monde, j’ai changé le programme de la soirée, et je me suis offert un diner avec les champions. Ca a fait fulminer toute la délégation, mais il faut parfois savoir montrer qui décide et qui commande. Et le lendemain, rebelote, au lieu de parler économie, j’ai trainé mes compagnons à une exposition sur le développement durable et j’ai forcé chacun à me faire un commentaire détaillé de la visite. Ca nous les a calmé, un peu comme une bonne douche froide remet du plomb dans la tête d’un ivrogne, et nous sommes tous partis voir le premier ministre Koizumi.

A n’en pas douter, il ne m’aime pas. La violence avec laquelle il a refusé d’abandonner le projet Iter au profit de Cadarache est sans équivoque. Quant à la levée d’embargo sur la Chine, il a failli me mordre. Du reste, il a été insupportable pendant tout le repas, me demandant ” comment se passait ma campagne sur le référendum ” et ” qui était ce Bokenelstein dont on parle tant “.
Et il riait.
Je le voyais bien, il faisait semblant de s’essuyer la bouche avec sa serviette. Il se moquait de moi. On va finir par le construire chez nous sans l’écouter, ce fameux réacteur nucléaire, et ça lui donnera une leçon d’humilité. Les insolents me font horreur, premiers ministres de mon pays favori ou pas.

Pour terminer, un petit mot pour Hosni Moubarak, avec qui j’ai déjeuné avant de partir. Monsieur le Président, vous avez oublié une serviette noire contenant plusieurs documents au pied de votre chaise, ainsi qu’un chapeau, un parapluie, une bague, une cravate et un soulier. Je ne sais pas très bien comment vous avez fait votre compte, mais sachez que tout ces objets vous seront restitués prochainement par valise diplomatique. Je vous prie également d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mon plus profond respect.

TAVERNYTAVERNY

TAVERNY

Vendredi fut mon Poutine-Day. Je l’ai reçu vers midi, nous avons déjeuné, nous sommes allés visiter des avions et le centre de contrôle aérien à Taverny, et nous avons dîné avec José Luis Rodriguez Zapatero et Gerhard Schroeder à l’Elysée. J’aurais préféré manger à Taverny, pas à la cantine du centre de contrôle des opérations aériennes, mais au restaurant qui n’est pas très loin, que je connais bien, et qui a une salle spéciale pour les dîners d’affaires. On y travaille en mangeant du canard à l’orange et de la tarte aux myrtilles, le tout dans une ambiance très gaie, et la serveuse est très jolie, surtout quand elle met son petit tablier en dentelle. C’est Alain qui m’avait fait découvrir cet endroit. Où que vous l’emmeniez, il vous suggèrera toujours une auberge voisine où la merveille des merveilles repose dans votre assiette.

A Taverny, ils ont aussi un club de volley-ball où joue la nièce d’un de mes bons amis. Je ne connais pas bien les résultats du championnat régional, mais si le club a besoin d’un coup de pouce financier pour acquérir des infrastuctures, que leurs dirigeants n’hésitent pas à m’écrire, et je viendrai personnellement les rencontrer dans le bon restaurant d’à côté du centre de contrôle des opérations aériennes, et, devant un gigot de mouton avec de la salade et des frites, je suis sûr de pouvoir faire quelque chose pour eux. Avis à toutes les associations de tout poil du côté de Taverny, si quelqu’un peut m’emmener dans ce restaurant, je suis prêt à vous signer n’importe quelle subvention pour les projets les plus farfelus.

Si vous manquez de Maison des Jeunes à Taverny, si vous avez besoin d’une Salle des Fêtes, si le Club d’Echecs ou la médiathèque sont aménagés dans des salles trop vétustes ou trop petites, si la cloche de l’église nécéssite des réparations, téléphonez à l’Elysée, et nous irons tous ensemble dans ce sympathique restaurant.

Donc, nous avons terminé la journée à l’Elysée, et après une conférence de presse qui s’est déroulée dans une ambiance bon enfant, presque fôlatre, où nous nous sommes donnés du ” Merci Monsieur le Chancelier ” et du ” Je laisse la parole au Président “, puis nous sommes passés à table. Les choses se sont un peu tendues, les journalistes étant partis. Il faut savoir que Vladimir Poutine est exactement ce qu’il a l’air d’être. Quelqu’un de brillant, d’intelligent, de déterminé, mais d’effrayant et de glacial. Manger avec lui est un supplice. Il classe ses couverts par ordre de taille sur une même ligne, dissèque sa truite comme un biologiste, coupe sa viande comme on ferait une autopsie, regarde le sang se répandre de sa côte de boeuf, puis il l’éponge délicatement avec du pain qu’il pose méthodiquement sur le côté de son assiette… Et même sa manière de déguster de la mousse au chocolat a quelque chose de mécanique. Il prend une cuillerée de mousse, la regarde fixement comme pour se demander : ” si j’étais encerclé de trois assassin et que je n’avais que de la mousse au chocolat pour me défendre, comment m’y prendrais-je ? “, puis l’avale prestement, avec la rapidité d’un caméléon attrapant une mouche.

On n’entendait plus rien. L’ambiance était retombée, tout le monde le regardait, personne n’osait rien dire, et il ne remarquait rien. Il s’écoutait penser.
Voila un homme qui sait se faire respecter.

Le week-end a été paisible, entre la préparation du Conseil Européen à Bruxelles et quelques bricoles sur la campagne pour le Oui à la Constitution. J’en ai profité pour approfondir mes connaissances en internet. J’avais commencé par le blog, il était normal de passer à une autre étape. J’ai essayé de comprendre comment fonctionnait un moteur de recherche. Une bien mauvaise idée.

J’ai par exemple tapé ” France ” sur le site. En résultat, il y avait les portails de France Télécom ou Air France. Puis, j’ai tapé ” Chirac “. Il y a le lien vers le musée, mon blog, quelques articles et le site officiel de l’Elysée. J’ai aussi essayé avec ” Vive la France ” et là, il y avait beaucoup de liens vers des sites d’humour américain, parfois drôles, parfois violemment anti-français. De fil en aiguille, je suis même tombé sur un certain ” fuckfrance.com “. Ce site odieusement raciste et primaire est géré par une poignée d’illuminés qui ont acheté un site, l’entretiennent, vont dessus visiblement chaque jour, et attendent, frémissant d’impatience fiévreuse, chaque réponse à un sujet qu’ils ont lancé… Et paradoxalement, ils ne font que répéter que la France est un pays tellement insignifiant qu’en parler est une perte de temps.

Internet et ses mystères… La jeune génération est parfois bien complexe pour l’esprit logique et droit que j’imagine être le mien .

Dégoûté, j’ai fini par me dire que je ne me servirai plus de cet outil que pour consulter le blog d’Alain et relire vos commentaires. J’ai quand même tenté, désoeuvré, de taper ” kiwi “, mais ça n’a rien donné.

PETITE JOURNEEPETITE JOURNEE

PETITE JOURNEE

Aujourd’hui, je n’ai rien de spécial à faire. Je voulais partir un peu, mais partir pour une journée, même avec tous les moyens de transports rapides dont je dispose, ça ne vaut pas le coup, et on est encore plus démoralisé qu’avant lorsqu’on revient. Je suis donc allé au cinéma ( l’Elysée comporte des salles de cinéma privées, c’est assez pratique. C’est par contre un peu sinistre, moi qui aime bien les ambiances de foule, je me retrouve un peu trop au calme ). J’ai voulu faire une blague à Gaymard et l’inviter à regarder Treize à la Douzaine, mais il n’a pas voulu. Il a même été très sec dans son refus : ” Merci, Monsieur le Président, mais j’ai énormément de travail, voyez-vous, je n’ai pas le temps de vous accompagner au cinéma. Vous n’avez qu’à demander à Monsieur Raffarin, lui aussi est inoccupé en ce moment.”
Vlan.

Textuellement.

Je l’ai très mal pris.

Le cinéma ne me faisait plus tellement envie. La lecture non plus, le bouquin de Breton a l’air décidément trop nul. J’ai bien pensé à avancer sur certains travaux, mais les manuels scolaires me dégoûtent désormais, le dossier sur l’emploi est désagréablement épais, celui sur la santé, Douste-Blazy me l’a repris pour corriger des articles à l’intérieur, et le dernier papier à être entré dans le dossier sur les Seychelles, le seul qui me reste en politique étrangère, date de décembre. Il ne me reste plus qu’à travailler mon discours pour le dîner de demain, avec les membres de la Comission d’Evaluation du Comité International Olympique. Je ferai ça tout à l’heure.

Il va falloir que je fasse semblant de saliver à l’idée de recevoir des épreuves de canoë-kayak sur la Seine. Je plains d’avance les malheureux dont le canoë va se retourner et qui vont patauger dans les eaux parisiennes. Le fleuve n’est plus aussi limpide qu’il ne l’a été.
J’espère que Delanoë n’a pas prévu un truc aussi ridicule que Tibéri avec les géants en plastique qui ont défilé dans la capitale pour la Coupe du Monde de football en 98. Le géant Moussa, le géant Roméo, et tout ça, des grandes statues à roulettes qui avançaient à des allures de limaces et qui nous ont fusillé la circulation pendant toute la journée. Et même à la télé, c’était pénible.
Du reste, que sont-elles devenues, ces figurines king-size ?

J’ai fait un cauchemar, cette nuit. J’ai rêvé que George W. Bush envahissait le Luxembourg, prétextant que l’économie luxembourgeoise n’était pas bien propre. Et une fois le Luxembourg anéanti, il s’attaquait à la France, en disant ” You, the French, we will, we will rock you “. Je ne sais pas trop si ça veut effectivement dire quelque chose, mais dans mon rêve, c’était traduisible par : ” Vous, les français, nous allons vous écrabouiller “. Il était accompagné de John Wayne, de Condoleeza Rice et de Billy Crawford sur des chevaux en acier qui crachaient de l’acide. Puis il plantait des drapeaux américains partout sur une carte géante, sauf sur la Creuse et la Meurthe-et-Moselle ( ” it sucks ” disait Mme Rice ), tout en dansant le french-cancan et en disant : ” Oh, la Moulin Wouge “.
Patrick Poivre d’Arvor disait au journal télé que c’était à cause de l’appartement d’Hervé Gaymard et que les Etats-Unis venaient donc apporter la démocratie à notre régime corrompu.
Je me suis réveillé ensuite. Je n’ai pas perdu mon temps à chercher de significations tordues à ce rêve grotesque, la vérité, c’est que Bush m’a toujours un peu inquiété. Quand on parle avec lui, ça lui arrive de se bloquer d’un coup, les yeux dans le vague. Il faut claquer des doigts pour qu’il redescende sur Terre.
J’y ai aussi vu la trace de mon obsession récente pour Hervé Gaymard. Il faut que je me calme au sujet de cette affaire. Elle m’a beaucoup marqué, la facilité avec laquelle il s’est laissé croquer n’en finit pas de m’impressionner.

Je vais regarder la fiction sur Francis Heaulme, ce soir. Je suis curieux de voir comment cet acteur, Frémont, je crois, va pouvoir imiter sa tête et que ce soit crédible. Si il est dur de jouer un personnage mort récemment ( comme Mitterand, par exemple ), j’imagine qu’il doit être extrèmement compliqué de jouer un contemporain.
Je me demande qui pourrait jouer mon rôle si je devais être le sujet d’une fiction ( ce qui n’aurait rien d’extravagant, je suis après tout déjà dans les manuels d’histoire de CM2 )… Clavier serait bien en Sarkozy, Christophe Malavoy pourrait incarner François Fillon ( encore qu’il faille vraiment le vouloir, pour faire un film sur la vie de Fillon ) ou Gérard Jugnot jouer Robert Hue, mais pour moi, je ne sais pas…

Jeune, Di Caprio, peut-être.

FOLLE JEUNESSEFOLLE JEUNESSE

FOLLE JEUNESSE

Demain, Conseil des Ministres. A ce sujet, j’ai eu un entretien avec Renaud Donnedieu de Vabres, aujourd’hui, ( ainsi qu’avec le directeur de la Bibliothèque Nationale de France, nous parlions justement de nouvelles technologies ). Donnedieu avait apporté avec lui un carnet de croquis qu’il avait réalisé, et il comptait m’en mettre plein la vue. ” Vous verrez que le coup de la feuille blanche de l’autre jour, c’était bien de l’art abstrait. ” Ce qu’il y a de bien, chez lui, c’est qu’il ne se démonte jamais, il a beau savoir que son interlocuteur sait qu’il ment, il insistera encore et toujours, obstinément, jusqu’à ce que l’autre cède enfin, lassé ou convaincu. Il aurait fait un excellent chef de secte.

Par contre, ses talents artistiques sont contestables, ne serait-ce que dans le choix de ses sujets : il y avait ainsi dans son carnet une pléiade de pots et de bouteilles, une femme posant nue, une pipe en terre, des ronds enchevêtrés évoquant selon lui les ondes d’une multitude de gravier que l’on jette dans l’eau, des pots de yaourts au pastel sec, une pomme faite avec un fusain et une coupelle de kiwis peinte à l’aquarelle sur une feuille toute gondolante, dans laquelle j’ai vu une enième tentative de fayotage. Il avait gribouillé un peu partout, en ” composition d’une mise en scène typographique ” des slogans pour le Oui au référendum sur la Constitution. Je lui ai rendu son carnet en lui demandant de mettre la sourdine sur la Constitution, vu que j’avais passé la soirée d’hier le nez dedans et qu’elle me sort consécutivement par les oreilles. Il pensait me faire plaisir, j’imagine, mais c’est vraiment tombé au mauvais moment.

Je tiens à manifester ma naturelle surprise suite au message d’hier sur la Constitution. Certains se sont étonné de trouver en ces lieux une manifestation politique. Je sais bien qu’en premier lieu, le but de mon blog est de permettre un dialogue convivial entre le Président et les Français, mais je suis encore le Chef de l’Etat, ce qui m’impose des devoirs que je compte respecter. Vous m’avez montré votre confiance en m’élisant, et je tâche de m’en montrer digne.
Mes administrateurs m’ont également envoyé un lien vers le blog de Nicolas Sarkozy. Qu’il soit effectivement écrit par Nicolas Sarkozy importe peu. J’en doute, étant donné le ton d’idolâtrie qui y est employé, mais après tout, Sarkozy parle parfois de lui-même à la troisième personne, alors, sait-on jamais. Bref, le fait qu’il ait lui aussi un blog m’a un peu gâché ma journée.
Je m’en suis donc ouvert à Jean-Louis Borloo qui m’a répondu : ” Eh bien, si ça vous énerve, trouvez un hacker, et faites-le tourner un peu en bourrique “. Je ne lui ai pas dit que je ne savais pas avec une totale exactitude ce qu’était un hacker, mais vu le sourire qu’il m’a fait, j’imagine qu’il s’agit bien d’un de ces types qui ont les moyens de changer des virgules à son insu ou de dessiner des moustaches sur ses photos. L’idée m’a en tout cas beaucoup amusé. Ce serait un juste retour des choses ( il avait essayé, du temps de son action au Ministère de l’Intérieur, d’imposer le port de la moustache aux gendarmes et policiers ).

Et ça m’a rappellé aussi certains soirs, certaines nuits de fête, dans ma jeunesse, où nous allions gribouiller sur des affiches avec mes amis. Nous dessinions des barbes, des pipes, des lunettes aux politiciens qui y étaient représentés. Nous marquions notre colère avec virulence : ” Non ! ” ou ” Halte ! “.
Nous étions fous et jeunes. Toute une bande galopins et de drilles. Il y avait Simon, qui nous conduisait en voiture sur les lieux de notre forfait. Marcel, qui volait des craies de couleurs dans le lycée où il était surveillant. Joseph, un gros moustachu ( décidément ) bonhomme et rigolard, doté d’un appétit gargantuesque. De surcroit, il ne se séparait jamais d’une bonne bouteille de vin, et nous trinquions joyeusement en parlant politique et en griffonant des slogans. Edouard était le philosophe de la bande, il était très cultivé et récitait des poèmes au coin du feu. Robert et son frère Timothée ramenaient toujours de jolies filles, et Jérôme les sifflait toujours en essayant de soulever leur jupons. André qui fumait la pipe et imitait Charlie Chaplin comme personne. Et Georges, qui était anglais, et qui éclairait notre lanterne en nous parlant de la politique de son pays d’une manière si fine, si talentueuse… Cet homme était d’une rare intelligence et plus d’une fois son avis lumineux sur une question m’a servi autant que ne le firent les ouvrages des plus grands.
Je regrette cette période.

Simon a ouvert une entreprise de textiles, puis il s’est retiré.
Marcel est retraité et joue au bridge dans le Nevada, avec d’autres expatriés.
Jospeh rit toujours beaucoup, mais dans sa barbe.
Edouard est devenu tout maigre et ensuite il est mort.
Robert a ouvert un magasin d’articles de pêche.
Timothée est mort l’an dernier en avalant un croissant de travers.
André est toujours un de mes bons amis. Il habite près de Messac. Son talent d’imitateur a mal vieilli. Il essaye d’imiter Yves Lecoq qui imiterait Laurent Gerra m’imitant, par exemple. Résultat, on dirait Patrick Sébastien imitant Jean Roucas.
Jérôme est devenu moine.
Georges est devenu un vieux con.

OLYMPISMEOLYMPISME

OLYMPISME

Diner avec la Commission d’Evaluation du CIO.

Une salade d’oranges au dessert, du raisin et des kiwis. Je n’ai rien dit, mais je suis sûr qu’ils l’ont fait exprès. Mon blog commence à tourner un peu partout dans les hautes sphères, et des références s’installent. Ceci dit, si je n’ai qu’à poster par le menu mes plats préférés dans mon journal pour me les faire servir en dîner officiel, j’aurais tort de me priver. Ca fait un moment par exemple que je n’ai plus mangé de taboulé oriental, de salade niçoise, de homard mayonnaise, de faisan farci aux cèpes, de pintade au chou, de cailles rôties, de tarte aux myrtilles, de pastèque, de clafoutis aux cerises, de mousse au chocolat et de kouign amann. Encore que l’on pourra se dispenser du kouign amann. Ce n’est pas mauvais ( si on aime manger une plaque de beurre avec du sucre ), mais c’est très lourd à digérer. Il vaut mieux ne pas avoir de choses importantes à faire derrière, comme par exemple diriger la France.

Le dîner s’est par contre dans l’ensemble très bien déroulé, en dehors de deux petits détails. Pour commencer, j’étais assis en face d’un gros monsieur chauve qui faisait des cochonneries avec sa soupe. Il nous a raconté des anecdotes piquantes sur ses visites faites aux différentes villes qui se proposaient pour accueillir des jeux olympiques, d’été ou d’hiver. A Nagano, par exemple, un de ses collègues s’est cassé la figure sur une patinoire et il a été blessé par une jeune fille qui lui a tranché un doigt avec un de ses patins. Elle allait trop vite pour s’arrêter alors qu’il s’étalait devant elle. Tout les membres du Comité présents à la patinoire ce jour-là ont eu peur pour le malheureux mais, à en croire le narrateur, la victime a pris la chose avec bonhommie. Il riait comme un bossu. On a su ensuite qu’il n’avait en fait absolument rien senti : il était ivre mort, totalement rond et pensait qu’il avait juste chuté de manière un peu cocasse. Il disait aussi d’un ton grivois et réjoui que la patineuse avait de bien jolies jambes.
Après, le gros monsieur chauve nous a abreuvé de détails peu râgoutants sur le doigt coupé, mais je n’ai volontairement pas écouté, je suis très sensible quand je suis à table. En tout cas, mes voisins trouvaient ça bien rigolo.

Ensuite, j’ai un peu essayé de discuter avec Lamour qui était assis pas loin, mais il n’entendait rien de ce que je lui disais, à cause du rire du gros monsieur et du bruit ignoble qu’il faisait en aspirant son potage. Je lui ai demandé : ” Alors, Jean-François, estimez-vous que la visite du Stade de France a pu avoir un impact bénéfique sur la décision finale ? “. Il m’a regardé avec des yeux ronds, a agité les mains de manière à me faire comprendre qu’il n’entendait rien et quand je lui ai répété un peu plus fort, il m’a répondu : ” Ah oui oui ! Je l’ai lu, votre internet-blog, il est très sympathique “. Et il m’a fait un grand sourire niais, les dents pleines de petits bouts de tomates de la soupe.

En dehors de ça, tout était très bien. Le discours que j’ai prononcé a été bien accueilli ( finalement j’ai trouvé le courage de le faire, hier, et je n’en suis d’ailleurs pas mécontent ), le repas était gai et la Comission d’Evaluation nous a confié avoir trouvé Paris tout à fait apte à accueillir les Jeux. Il parait que Londres aussi est un candidat sérieux. Mais visiblement, ils ne sont pas tous d’accord sur sa capacité à bien mettre en valeur le tir à l’arc. Si on avait su pour cette histoire de tir à l’arc, on aurait pu coiffer les anglais au poteau dès aujourd’hui, mais je crois que chez nous non plus ça n’est pas reluisant, pour le tir à l’arc. Si jamais les russes ont vent de cette histoire de tir à l’arc, ils vont mettre le paquet dessus, ils vont nous rafler le machin sous le nez et on aura l’air bien bêtes avec nos pin’s, nos casquettes et nos t-shirts Paris 2012.

Et puis tout le monde est parti. Il y a eu des saluts, des poignées de main, et des photos. J’ai d’ailleurs surpris la conversation de deux photographes, de manière tout à fait fortuite. Dialogue qui m’a conduit à repenser à cette affaire de livre d’histoire de CM2.

Le premier photographe proposait au second de le raccompagner chez lui :

” Viens, disait-il, je te prends dans ma voiture, on passe par la voie Pompidou, et je te dépose à la Bibliothèque Mitterand en même pas 20 minutes “.
Je ne sais pas si l’autre a accepté. Tout ce que je sais, c’est que je suis dans les livres d’histoires, mais que je n’ai aucun monument parisien, aucune voie, aucun quai, aucune station de métro à mon nom. Métro Chirac, ça ne sonne pourtant pas si mal que ça, ou en tout cas, ce n’est pas plus ridicule que Métro Corentin Cariou ou Métro Pré Saint-Gervais. Eh bien non. Il y a une place Charles de Gaulle, un centre Pompidou, une voie Pompidou, un Quai Mitterrand et une Bibliothèque Mitterrand, mais Chirac, rien. Oh, bien sûr, Giscard non plus n’a rien, mais il est académicien, maintenant, c’est aussi une forme d’immortalité. Alain Poher non plus n’a rien, mais ce n’est pas un vrai président, et puis il a certainement une ruelle à son nom dans un bled quelconque.
Je m’en suis ouvert à Delanoë, qui n’était pas encore parti. Il cherchait son parapluie au vestiaire. Il m’a répondu : ” Monsieur le Président, ce genre d’hommage se fait en général à titre posthume “. Il a raison, le bougre. Je pourrais bien mégoter pour obtenir un hommage à titre pré-posthume, mais ça serait un peu voyant.

J’ai reçu depuis l’ouverture de ce blog un abondant courrier de la part de mes administrateurs, qui me livrent quelques-uns de vos commentaires. Malheureusement, n’étant pas un familier de l’informatique et encore moins d’internet, je ne vais pas encore les lire moi-même, mais ils ont promis de me montrer le fonctionnement de la chose. Quoiqu’il en soit, je vous remercie tous de vos encouragements, et vous promet d’essayer d’écrire en ces lieux le plus régulièrement possible. Ce week-end je pars à la campagne, mais je penserai à vous.
Lol, comme on dit chez vous, et bonne fin de semaine à tous.

Jacques

WEEK ENDWEEK END

WEEK END

Quel week-end, mes enfants quel week-end. Si je n’avais pas eu une bonne petite remise de médailles ce matin pour me remettre, et me persuader que la fonction présidentielle avait quand même quelques avantages, j’aurais caressé l’idée de démission.

Mais les remises de médailles suffisent en général à me consoler des plus abominables maux. J’adore plus que tout entendre résonner, au son des trompettes et des clairons, la Marseillaise, quand j’appose sur la veste d’un militaire ou d’un savant une décoration prestigieuse. A tel point que j’en arrive à décorer n’importe qui pour le simple plaisir de le voir frétiller d’excitation à l’idée de recevoir sa distinction des mains du plus haut dignitaire du pays : Moi.
Un capitaine s’est distingué en Côte d’Ivoire ? Je le décore.
Un chef d’entreprise fait tourner correctement sa société ? Je le décore.
Michel Sardou vend des milliers d’albums ? Paf ! Décoré.
Croyez-en mon expérience, devant le spectacle d’un général, paré de ses plus beaux atours, digne et pénétré, se dandinant d’un coup d’un pied sur l’autre en osant pas vous regarder tellement il est impressionné, on boit du petit lait. D’autant que la nature fait bien les choses, je décore systématiquement des gens plus petits que moi.

L’ennui, c’est qu’évidemment tout le monde le voit, je me suis fait taper sur les doigts après avoir accroché la Légion d’Honneur à la veste de Jean-Pierre Foucault, par exemple. Un autre inconvénient, c’est qu’on finit par n’avoir plus grand monde à décorer. Il ne reste plus que des gens du calibre de Bertrand Renard, Evelyne Dhéliat ou Marius Colucci, ce qui fait quand même léger.
De toute façon, il va falloir y venir, je le sens bien, je ne tiendrai jamais deux ans sans décorer personne. C’est plus fort que moi.

Je suis décoromane.

Il faut au moins ça pour se consoler d’une promenade au marché de Messac. Messac est une jolie et pittoresque bourgade de Corrèze, où j’aime à venir me détendre de temps en temps. J’ai quelques amis qui habitent dans le coin, et parfois, avec Bernadette, nous allons les visiter. Ce dimanche, nous avions prévu de déjeuner chez eux. Il était entendu que j’apporterais un gâteau pour le dessert. Et plutôt que d’aller le chercher dans une pâtisserie, j’ai décidé de prendre un bain de foule au marché. On n’en fait jamais trop pour entretenir sa popularité, surtout que les derniers chiffres des instituts ne sont pas terribles, mais je pense que c’est la faute de Raffarin et des manifestations.

Me voici donc au marché. Et voilà : depuis une semaine, il y a eu l’effet blog. Je ne sais pas si c’est réellement à cause de moi, mais il me semble que la France est envahie de kiwis. L’intention est sympathique, je ne dis pas, mais tout de même, je ne peux plus serrer la main d’un maraîcher sans qu’il en profite pour me faire goûter ses kiwis. Et pas question de refuser, sinon, ces messieurs vous ressortent textuellement les vertus de ces kiwis que j’ai moi-même vanté.

J’ai changé de marché rapidement, je suis allé au village voisin, où l’accueil a été légèrement différent. Je ne vais pas vous expliquer en détail comment je l’ai deviné, seul le résultat importe, finalement, mais sachez que maintenant, j’ai un moyen infaillible de détecter les opinions politiques des maraîchers. Un maraîcher UMP offre un kiwi ou du raisin. Un maraîcher socialiste offre une orange d’un air narquois, et demande en souriant : « Vous voulez que je vous l’épluche, Monsieur le Président ? Vous pensez vous en sortir ? ». Et je m’en fous partout, je crache des pépins, j’ai le menton plein de jus, et ces salopards se poussent du coude en ricanant.
Je n’ose pas mettre les pieds en Bretagne, des pâtissiers à la rose ou des boulangers communistes vont me forcer à avaler des pleins plateaux de kouign amann en me disant : « J’espère que vous n’avez pas la France à diriger juste après ».
Bref, me voici responsable d’une fracture politique fruitière et d’une révolution socialo-pâtissière au sein du pays.
C’est gagné.

Le samedi était plus paisible. J’ai assisté à une retransmission d’un concert de musique africaine pour la lutte contre le paludisme, j’ai vu Mohammed VI qui m’a montré des photos de son gamin ( Hassan III joue avec ses cubes, Hassan III fait sa sieste, Hassan III mange sa purée, Hassan III a peur d’une vache en Seine-et-Marne… C’est bien simple, Mohammed VI est tout prêt pour se lancer dans l’écriture de livres pour enfants ), et j’ai remis le dossier sur les Seychelles qui traînait chez moi à Barnier, qui le cherchait partout.
Et dans une heure, j’ai un entretien avec un procureur. Pas pour moi, bien sûr. Non, au sujet de l’ex-Yougoslavie. Comme j’ai oublié mon dossier chez Barnier ( il s’était glissé dans celui sur les Seychelles ), je ne sais plus très bien ce que je dois raconter, il va falloir que j’improvise. Je devrais me constituer des discours en kit : « Au nom de la démocratie », « Pour la France et pour les Français », « La grandeur de la République », « Les valeurs de la Liberté bafouées de par le monde » Etc, etc…
Je suis sûr que ça se fait déjà dans d’autres pays.

CONSEIL DES MINISTRESCONSEIL DES MINISTRES

CONSEIL DES MINISTRES

Il y avait Conseil des Ministres, aujourd’hui. D’ordinaire c’est déplaisant : la nervosité ambiante et l’irrascibilité de chacun sont très lourdes à supporter. Ministre est une tâche compliquée, bien plus que celle de Président. Il faut avoir des nerfs solides, un bon sens de la communication, un besoin de sommeil réduit, un amour du travail… C’est exaltant quand on est jeune et fringuant, mais lorsque des hommes ou des femmes ayant dépassés la cinquantaine sont chargés à ce point, ils ressortent en général des ministères courbés en deux, des cernes sous les yeux, et sont secoués de tremblements et de spasmes pendant quelques semaines.

Mais aujourd’hui, j’avais décidé de me montrer particulièrement attentif à chacun et chacune. J’ai examiné leurs comportements plus que leurs dossiers de travail, pour bien comprendre à quel genres d’homme ou de femme j’avais humainement à faire. L’affaire Gaymard m’a particulièrement rendu méfiant à cet égard. Comment un jeune homme qui semblait si brillant a-t-il pu se montrer si bête ? Passe encore pour l’appartement, mais la défense façon Cosette misérable, cordonnier sans le sou, et victime d’une société élitiste, c’était invraisemblable. J’ai mis la main sur certaines de ses lettres, lorsqu’il demandait à Raffarin quelle stratégie adopter. Croyez-le ou non, il avait prévu de raconter qu’il avait été victime d’un curé pédophile lors d’une sortie scoute. Heureusement, on a pu l’arrêter à temps.

Bref, pendant tout le conseil, je me suis demandé si j’avais affaire à un parterre de personnes brillantes ou à une bande d’idiots. J’ai fini par décrocher de toutes les conversations qui se tenaient, obsédé que j’étais par cette question. J’étais plongé dans mes pensées, et même les vociférations de Copé, qui d’habitude me tapent sur les nerfs ( il parle très fort, quand il s’énerve, et il a une voix totalement pénible ) ne réussissaient pas à me défaire de mes réflexions. Finalement, je me suis résolu à leur demander, en plein pendant une tirade de Breton qui n’en finit plus de crâner depuis qu’il a un beau fauteuil tout neuf, à tous se taire, et à sortir une feuille de papier et un crayon.

Le meilleur moyen de voir quel individu on a en face de soi est d’interroger son subconscient. J’ai donc demandé à tous mes ministres de dessiner quelque chose, n’importe quoi, ce qu’ils voulaient. Perben a ricané et a demandé si nous n’avions pas des choses un peu plus sérieuses à faire, je l’ai engueulé froidement ( si il y a une chose que je ne supporte pas, ce sont les fortes têtes ), et il l’a bouclée. Il a sorti son stylo et il a fait ce qu’on lui demandait. Et tous se sont alors mis à dessiner.

Artistiquement, les résultats ne valaient pas grand chose, à part pour Borloo et Perben, justement, qui m’a dessiné un très joli bâteau, dans un style très ” Fêtes des Mères “, assez enfantin, mais pas laid. Quand je lui ai demandé pourquoi un bâteau, il a ouvert la bouche, il n’a rien dit, puis il a écarté les mains en disant : ” eh bien, je viens d’acheter un bâteau “.
Copé a dessiné un cow-boy qui tirait sur des gens. Je trouve qu’effectivement ça lui va assez bien. Michèle Alliot-Marie a dessiné un verre d’eau, parce qu’elle n’avait que ça en face d’elle. Barnier a dessiné Didier Julia, et il a raturé son visage. J’ai été un peu déçu parce que j’attendais quelque chose venu d’un peu plus loin dans le subconscient, mais ça m’a conforté dans l’idée qu’il va falloir que je fasse quelque chose au sujet de ce type. Nicole Guedj a dessiné un fauteuil roulant, mais je commençais bien à voir qu’elle perdait un peu sa joie de vivre. Raffarin a fait un micro, j’en ai déduis que soit la chanson lui manquait, soit qu’il aimait bien les discours. De Robien a dessiné un homme que je n’ai pas reconnu pour l’instant, mais le connaissant, il doit s’agir de Bayrou. De Robien aime beaucoup son statut de loup solitaire UDF au sein d’un gouvernement UMP. Il ne perd jamais l’occasion de se marginaliser. Fillon a fait une grande croix sur sa feuille et il a marqué ” soyons sérieux “. Devedjian a dessiné un skinhead, j’ai mis un temps à comprendre, je crois qu’en fait sa jeunesse lui manque, il doit nous faire la crise de la cinquantaine. Borloo m’a surpris, donc. Il a dessiné une femme. Assez jolie, au demeurant. Douste-Blazy a dessiné un type casqué avec marqué ” Giancarlo Fisichella “. Lamour a fait un footballeur, de Villepin, un aigle et Jacob, un boxeur. Nicole Ameline et Brigitte Girardin ont essayé de se représenter mutuellement. C’était raté.

J’ai aussi eu quelques feuilles blanches. Donnedieu de Vabres a bien essayé de me faire gober qu’il l’avait fait exprès, en blaguant, mais il était visible qu’il me prenait pour un crétin. Il n’a du reste pas insisté. Finalement, le seul à m’avoir piégé a été Breton. Il a dessiné un ordinateur avec une mitre et il a marqué ” Bonne lecture “. Par la suite, il m’a confié être effectivement tombé sur mon blog, et envisage d’en faire un lui-même, je lui passerai le mail des gens qui se chargent du mien.

La journée s’est poursuivie par un entretient avec Hugo Chavez, le président vénézuélien. Je n’aime pas du tout ce type. Il a un sens de l’humour très particulier, il m’a raconté qu’à la Fête des Innocents, il avait fait croire à son peuple qui réclamait sa démission qu’il cédait à cette revendication. La Fête des Innocents est l’équivalent local du 1er avril. C’est d’un goût… Et lui s’étouffait de rire en me racontant ça.
A part ça, le principal sujet de la conversation a été le pétrole. J’ai bon espoir d’avoir obtenu des promesses commerciales intéressantes. Enfin, pour finir, il m’a invité en vacances en me disant que la saison était propice à la baignade, et que les plages vénézuéliennes valaient vraiment le coup d’oeil. Il a appuyé cette dernière phrase d’un clin d’oeil lourd de significations lubriques. J’ai demandé à ce qu’on le raccompagne plus tôt que prévu. Il n’est pas prêt de revenir, et je ne souhaite plus jamais l’avoir en face de moi.

Je n’ai rien de spécial à faire demain, peut-être que je pourrais en profiter pour descendre en Corrèze, ou à Bordeaux pour voir Alain. Il faut que j’en parle à Bernadette…

SECOND CONSEILSECOND CONSEIL

SECOND CONSEIL

Le Conseil des Ministres de ce matin, autant le dire tout de suite, a été un véritable conseil de guerre. Je n’avais plus vu ça depuis les évènements en Irak, et Dieu sait que l’ambiance était déjà particulièrement tendue. La raison de ce choc émotionnel ? Le sondage, évidemment. L’institut de sondage CSA a rendu aujourd’hui public le fait que le Non au référendum passait devant le Oui. La Directive Bolkestein pose problème, c’est évident. Vis-à-vis des électeurs, j’avoue moi-même ne pas savoir quoi faire. Un coup de cognac et quelques dossiers ( ou un dossier et quelques coups de cognac ) devraient m’aider à y voir un peu plus clair. Pour prendre des décisions efficaces, un bon coup de fouet au moyen d’un alcool de grande qualité est parfois indispensable.

En dehors de ça, certains se sont copieusement gaussés en lisant les propos de Dominique Ambiel ce matin dans la presse. Raffarin, bien sûr, n’a que modérément goûté les plaisanteries, et moi-même, je réprouve les débordements humoristiques auxquels j’ai pu assister. Je ne sais pas si tout le monde se remémore l’affaire Ambiel. Ce conseiller en communication du Premier Ministre avait été arrêté de nuit, avec dans son attaché-case une prostituée roumaine de 17 ans. Depuis, il s’évertue à crier au complot et clame sa bonne foi. Il a d’ailleurs reçu le soutien de Clara Gaymard, ce qui fait que je commence à plaindre son mari. Je me demande si la soudaine médiatisation de sa famille ne va pas contribuer à l’enfoncer un peu plus. Le jour où son fils aîné montera au créneau pour glorifier Bernard Tapie ou Loïck le Floch-Prigent, il va tout plaquer, prendre sa retraire et se faire éleveur en Franche-Comté en pensant au bon vieux temps de ministère de l’Agriculture.

Bref. Toujours est-il qu’après le conseil, quand tout le monde sortait, de Villepin et Copé se sont amusés à improviser un sketch sur Ambiel. Villepin jouait le policier, et Copé la prostituée roumaine. Raffarin, qui perd décidément de plus en plus son autorité, était involontairement placé dans le rôle de son ex-conseiller. Villepin s’était confectionné une moustache avec un capuchon de stylo et un bout de scotch ( quand on pense au prix de ces stylos, on se dit qu’il est vraiment honteux que des ministres d’Etat s’en fassent des moustaches ) et Copé se promenait en roulant des fesses en faisant ” tou viennes mon chou ? ” et en faisant des pichenettes à Raffarin, qui était coincé entre deux fauteuils et ne pouvait pas s’enfuir. Je revenais de prendre un des dossiers violets ( ceux du haut de l’armoire de la salle de conférence ), quand j’ai assisté à cette représentation grotesque. J’ai frappé violemment du plat des mains sur la table juste pour interrompre Villepin qui disait : ” Alors, bonhomme, tu comptes aller où, avec cette gamine ? ” et Copé qui répondait : ” C’est Monsieur Ambiel qu’él m’a invité chez loui pour discouter de la référindoume sour la Prostitoution Eropééne. ”

Les deux se sont stoppés net, et j’ai entendu une mouche voler. Je vais me débrouiller pour raboter leurs salaires en conséquence. Je déteste ce genre d’humour puéril, méchant et surtout peu drôle. Si j’avais pu leur taper sur les doigts avec une règle, je l’aurais fait. J’ai posé mes dossiers, j’ai dit ” zut ” à Thierry Breton qui me demandait pourquoi diable son livre était nul, et je suis parti rejoindre Schuessel à notre rendez-vous.

Schuessel est le Chancelier autrichien. Il était venu parler de la Constitution, il m’a finalement encore, et comme il le fait à chaque fois, parlé des avantages des noeuds papillons par rapport à la cravate. Schuessel ne porte quasiment que des noeuds papillons. A poids, à rayures, à motifs, à vapeur, matin comme soir, soir comme matin. Il en a exactement 214, qu’il range par ordre d’achat dans une armoire spécialement confectionnée. Il m’a dit, réjoui : ” Tu vois, au moins, les gens savent toujours quoi m’offrir pour Noël, ah ah ah ! “. La dernière fois, il portait son noeud numéro 180, cadeau d’un enfant d’une municipalité montagnarde remis lors de la Saint Wolfgang. J’avais eu droit au compte-rendu complet de toute la cérémonie.

Un noeud d’ailleurs ma foi fort laid, mais je n’en dirais pas plus, sinon lui aussi va me demander d’envoyer quelqu’un s’excuser chez lui. Je le connais bien, il prend mal la mise en boîte.

Je vous remercie de vos messages, de plus en plus nombreux ces derniers jours. J’ai demandé à ce qu’ils me soient désormais tous transmis, censurés compris, et je les classe dans un cahier. Je crois qu’ils ne sont pas tous publiés dans un souci de clarté ( et aussi parce qu’il sont semble-t-il trop nombreux ), mais je les lis maintenant exhaustivement, et suis ravi que ce blog soit devenu un moyen de dialogue direct avec les Français. Je réfléchis à un moyen de discussion internet hebdomadaire depuis l’Elysée ou le local d’un média, peut-être que cela se fera un jour, et je répondrais bien volontiers à vos questions et vos préoccupations.
Ensemble, pour faire de l’Etat Français un modèle dans les domaines de la liberté d’expression et de la démocratie.